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Histoire d’une fausse accusation

Blues

Blues


Octobre 2007. Le procès approche. Mon avocat avait dit: hiver 2008. La tension monte.


Je parsème ce texte de belles images, pour m’en souvenir au cas où cela tournerait mal. Car même si je suis sûr de moi au millimètre près, je ne serai pas dans la tête des jurés, et j’ai déjà vu tant de manipulations et d’acharnement dans ce dossier que je suis prudent.


Je n’ai pas vocation à être victime. Je n’aime guère cela. Et je n’aime pas faire pleurer sur mon sort, pas envie de faire pitié. La vie est ce qu’elle est. Pourtant par moments je me sens dévasté intérieurement.


Dans cette affaire j’ai découvert comment on traite les hommes. Présumés coupables. Je brûle en mon corps et en mon âme. Ma vie confiée à un jury, à
des personnes qui ne me connaîtront pas et qui, en quelques jours, devront décider de moi. Difficile d'être zen dans cette situation. Toutes ces années sans vraie joie me laissent fragile. Six ans et demi de tension, de désarroi, d’épuisement, de tremblements intérieurs, où il fallait donner le change pour sauver mon travail et mener à bien la formation des étudiants qui me font confiance.


L’approche du procès me donne le vertige. Non pas que j’en aie peur, mais est-ce que l’on va enfin m’entendre, est-ce que la vérité va enfin apparaître? N’y aura-t-il pas encore des coups tordus? Les préjugés anti-hommes vont-ils enfin céder?


Comment les jurés vont-ils percevoir mon atypisme? J’ai voulu faire bouger les choses, bouger les gens, me faire bouger. M’investir, réaliser, aboutir, me sentir utile et efficace. J’ai pris un peu de pouvoir dans le monde. Mais pour eux le mot pouvoir a un autre sens, très négatif. On a l’habitude d’estimer qu’un leader comme je le suis prend des prérogatives, se donne des privilèges, fait ce qu’il veut. On me décrit comme un patron tout-puissant du 19ème siècle, dans un scénario que même Zola n’aurait pas imaginé. C’est LEUR culture, pas la mienne. Pour moi, j’ai appris cela de la vie: une fonction est un devoir et non un privilège. Dans le conformisme genevois, je fais tache. Pourtant je ne suis pas dangereux. Seulement idéaliste.


J’assume en partie l’héritage des années 70: changer la vie, tenter de nouvelles voies, vivre plus libre. Et surtout ne pas me contenter de théorie mais appliquer à ma propre vie. J’ai essayé et j’essaie encore, dans ma modeste mesure. Je ne suis pas parfait, je ne joue pas à cela, au contraire je me revendique comme un produit non fini et évolutif. Dans le besoin qu’ont les gens de tout fixer et de juger définitivement, c’est inclassable et déroutant. J'ai eu des choses à corriger comme chacun. J'évolue pas à pas. J’assume aussi mes contradictions. Je suis comme je suis, déchiré entre mes atavismes et mes rêves d’un humain différent. Pas toujours facile d'être un homme dans la programmation génétique et
culturelle qui est faite de nous.


Oh, certes, je trouverai dans mon passé des personnes pour me remettre en place, à juste titre. Mais j’ai évolué et grandi en conscience. Il faut faire la part des choses entre ce qui est de l'ordre de la personnalité ou de l'ordre du crime. Voyez, je me sens parfois coupable de tout, coupable de m’être parfois trompé, coupable d’exister.


J’ai dû blesser l’accusatrice pour qu’elle aille jusque là, j’ai dû raviver des mémoires. Qui n'a pas ses blessures? Mais notre vie n’était pas ce qu’elle en dit. Elle avait du coeur. Comment a-t-elle pu faire cela? Comment, sous quelle impulsion ou influence, ou décompensation psychologique, a-t-elle pu APRES COUP dénier tout, inverser tout? Mais on ne clame pas un abus APRES parce qu’on n’est plus d’accord avec ce qu’on a vécu. Sinon, la moitié des couples finiraient aux Assises! Etre en désaccord APRES ne rend pas la relation criminelle pour
autant.


Malgré le ressentiment que j’ai contre l’accusatrice, à cause ses contradictions énormes, je ne veux pas dire qu’il n’y a pas une souffrance chez elle. Mais je n’en suis pas la cause. Elle était libre et très capable de dire non. Je n'ai jamais forcé quand on m'a dit non.


Adieu rêves, adieu foulards, adieu humain nouveau. Non, pas adieu. Pas de défaite. J’ai besoin de ciel, de soleil, de musiques, d’un nouveau jour, de partager encore de beaux moments. De pardonner les blessures reçues, et demander pardon pour celles que j’ai faites. Serait-ce le jour du Grand Pardon? J’ai pardonné à Nikita (voir page Rêve). Mais pourrai-je pardonner à l’accusatrice?







J’ai besoin de renaître. De sentir les parfums de la Terre. De respirer librement des aurores claires.





    “Si j’m’en sors, je veux encore

    Sentir la chaleur de ce beau matin

    Ensemble alliés contre un drôle de destin...”

        Julie Zenatti